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8 Mai 2024

Le Pape arrive à Nairobi. La bonne nouvelle, c’est que nous avons un jour férié supplémentaire et donc un long week end. Mais la mauvaise, c’est qu’il vaudrait mieux fuir la capitale au plus vite car la messe papale promet d’attirer les foules de tout le Pays et toute la ville sera bloquée. Mais où aller ? De plus, c’est la saison des pluies. Je me décide pour Tsavo Est: je ne connais et c’est censé être une région semi-aride.


Une fois la décision prise, c’est la routine. Envoi d’un email au Mountain Club pour motiver quelques camarades, appel du parc pour réserver « special campsite » et rangers, instructions à Moses pour préparer la voiture (Eau, tentes, équipements de camping, bons petits plats et rations pour les rangers, caisse à outils de secours …). Le plus dur est toujours de contacter le parc, cela ne répond pas, puis ce n’est pas possible … en bref, comme toujours en Afrique, inutile de perdre son temps à vouloir réserver et planifier. Le mieux est de se rendre sur place et tout s’arrange en deux coups de cuillère à pot.


Jeudi matin à l’aube, 5h00 du mat’, il faut absolument devancer le réveil du Pape et des chauffeurs de camion, prendre de l’avance sur l’enfer de l’autoroute Nairobi Mombasa où les camions se suivent à la queue leu leu. Et je dois avouer qu’avec la pluie qui n’a pas arrêté de la nuit, l’absence de visibilité et de lumière, le moral n’est pas au plus haut. Quelle idée saugrenue de prendre le risque d’aller camper en saison des pluies … Heureusement les camarades me remontent le moral et l’idée de rester quatre jours enfermé fait le reste.


La route est à la hauteur de sa réputation: les dépassements de camions s’enchaînent. Toujours quelques sueurs froides quand on voit arriver deux camions de front sur la route à deux voies… Et puis au bout de trois heures: un voyant s’allume, plus de turbo! On poursuit à 50 km/h, mais vraiment j’ai le moral dans les chaussettes. Patience, ce n’est pas mon point fort!


Enfin, le parc! Nous ne tardons pas à percevoir un groupe d’éléphants, tout rouge de la terre dont ils s’enduisent pour se protéger des moustiques et parasites. Puis la rivière Galana gonflée par la saison des pluies et le Yalta plateau en arrière-plan (c’est une falaise qui longe la berge ouest de la rivière sur des centaines de kilomètres, en fait, c’est une coulée de lave parait-il).


Nous faisons un piquenique aux chutes de Lugard. L’eau rouge est en furie, quelle puissance ! Attention de ne pas glisser, car ce serait la fin. Le spectacle est hypnotisant et grandiose à la fois. Le bon côté de la saison des pluies: les chutes ne sont aussi chargées que quelques jours dans l’année. L’eau explose littéralement en une bruine de couleur dans un vacarme assourdissant. Enfin, je suis content d’avoir pris l’intiativede ce voyage. La récompense.

 Tsavo1

Tsavo2

Eaux bénites?

La première nuit, nous décidons de ne pas prendre de risque avec la pluie et allons dormir au camp de EpiyaChapeyu dans de grandes tentes. C’est tenu par des italiens, donc la cuisine est bonne et l’on se régale en mangeant au bord du fleuve, en observant un énorme hippopotame marcher juste devant notre table tel un fantôme dans la nuit. Le bercement de la rivière rugissante nous revigore et le lendemain est un autre jour.


Nous déménageons pour le « specialcampsite » de Galana, toujours au bord de la rivière. Nous sommes rejoints par d’autres camarades du Moutain Club. L’endroit est magique, à l’ombre des palmiers Doum Doum avec grognements d’hippopotames en fond sonore. Il fait si chaud et humide que je brave les crocos et m’immerge dans la rivière. Un peu de fraicheur, quel bonheur!


Deux heures avant la nuit, vers 16h00, nous mobilisons nos rangers et partons en file indienne à pied le long de la rivière. C’est magnifique, entre le paysage et les nombreux oiseaux aquatiques. Nous surprenons crocos et hippos à qui nous faisons peur. Le soleil descend rapidement et il est déjà l’heure de retourner aux tentes. Le traditionnel feu de camp est vite établi. Nous n’avons pas le temps de finir la première bière qu’une pleine lune rousse apparaît à l’horizon, l’instant magique.


Le lendemain matin, nous traversons le nouveau pont sur la rivière Galana financé par l’Union Européenne pour entreprendre l’ascension du Yalta plateau. Une petite marche de deux heures qui ne semble guère difficile pour une troupe aguerrie comme la nôtre. Mais il fait tellement chaud et humide que ce n’est pas si simple que cela en a l’air. Heureusement une vue extraordinaire nous attend sur les méandres de la rivière et sur le parc de Tsavo Est qui semble s’étendre à l’infini. Réhydratation et sieste sont les bienvenus. Nous guettons les souffles d’air sur les rochers surplombant la rivière, mais ils sont si faibles et si espacés que nous votons pour retourner à l’ombre de notre camp près de la rivière.

Tsavo3

Piscine privée, baignade interdite

En fin d’après-midi alors que les camarades se dévouent pour ramener les rangers à Voi, je retourne sur un promontoire qui permet d’observer un coude de la rivière. La quantité d’eau ne faiblit pas. Le soleil couchant apparait sous les nuages caché par une pluie fine. Mais il ne pleut pas là où je bois ma bière en observant les hippopotames. Deux mâles énormes s’observent. Vont-ils se battre? Je les observe à la jumelle et j’en vois un disperser ses excréments en faisant tourner sa queue comme un ventilateur. C’est comme cela que les dominants marquent leur territoires.


Une dernière nuit de feu de camp et de sommeil bercée par la rivière, puis il faut malheureusement s’arracher de notre petit paradis pour entreprendre le long voyage du retour. Sans turbo, nous faisons une moyenne de 55 km/h et il nous faut 7 heures de patience et de frayeur avant d’arriver à bon port. Ce n’est pas si mal, car nos camarades ne font guère mieux avec une voiture en parfait état: 5 heures et demie. C’est long, mais malheureusement, c’est la difficulté d’accès qui préserve le mieux les derniers endroits sauvages de notre petite planète, et le prix à payer pour en profiter.