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28 Avril 2024
J'imagine sans peine l'apéro dans la petite cuisine de Callelongue. Comme j'aimerais bien pouvoir m'y téléporter l'espace d'un instant pour quelques huitres de Bouzigues, un bocal d'escargot au fenouil ou de sanguins au vinaigre de Luc, quelques variétés oubliées de tomates d'Anne ou une poêlée de tellines préparée par Jean-Mi !

« Tiens Rémi a envoyé une histoire.»
« Oh lui ! C'est pas parce que on boit un verre de temps en temps à l'apéro qui faut qui croit qu'on a la cervelle qui flotte dans le pastis ! Encore un peu, il va essayer de nous faire croire qu'en Afrique quand ils pêchent, il leur faut un tracteur pour sortir une sardine du bateau. A nous, des Marseillais !»

Voici donc une histoire à rajouter aux fariboles de noël et autres de mes calembredaines africaines, que vous n'êtes pas obligés de croire bien entendu, accompagnée de mes meilleurs vœux pour l'année 2014.

Comme souvent, le héros principal est mon ami Zé Pescador, grand pécheur comme son nom l’indique mais aussi collectionneur de coquillage de renommé planétaire et depuis peu spécialiste recherché du Musée d’Histoire Naturelle de Paris au rayon conchyliologie. Ne prenez pas peur à la lecture de ce mot, j’ai moi-même du aller le chercher dans wikipedia.

Grande nouveauté cette année à Maputo: la pêche au Marlin. On en avait bien aperçu quelque fois dans le passé et même attrapé quelques uns, mais plus par le fait du hasard. Mais cette année, Zé me garantit la prise. Ils ont découverts les bons leurres, la bonne vitesse de traîne et surtout les bons coins où pêcher. « Vamos acertar !»

Les coins de pêche au Marlin sont encore plus loin que d’habitude, il faut donc un temps parfait, comme à Noël pendant l’été australe, pour une mer lisse, une mer miroir comme disent les Portugais. Et il faut se lever encore plus tôt: 4 heure 30 pour un départ à 5 heure du matin! Mais quelle joie d’accélérer plein pot, de doubler l’île de Xefina et ses canons qui piquent maintenant du nez dans la mer pour une journée de mer.

 

 Marlin1

La luta continua, dixit Luis camarade pescador

 Marlin2

Photo souvenir

Après 1 heure 30 de route à plus de vingt nœuds, nous voici sur le terrain de chasse. Les quatre cannes sont rapidement installées, dont celle que j’ai gagnée en l’an 2010 au concours de pêche (voir Morse 114 de mars 2010) ! C’est certain,  elle va me porter chance, celle là ! Toutes équipées avec des espèces de pieuvres en plastiques de couleurs bleues ou roses, avec parfois une petite orphie en plus comme appâts.

Je commence une petite sieste bien méritée après un réveil aussi matinale, quand Bzzzzzzzzzz ! Un départ impressionnant. Zé agrippe la canne et tente de freiner le fil mais en moins d’une minute la moitié du moulinet est déjà parti. Je prends le volant et j’accélère pour essayer de fatiguer la bête. Voici les premiers sauts du « bicho » à près de trois cents mètres du bateau. Quel poisson !

La lutte commence. Il faut garder le fil tendu ne cesse de me répéter Zé, une fois que le Marlin semble ferrer. Je fais de mon mieux pour reprendre du fil, mais après 15 minutes ? je suis déjà épuisé. Je repasse la canne à Zé et prend le volant. C’est sûre, il a plus l’habitude que moi. Quand soudain, il me crie que le poisson vient à toute vitesse vers nous. Je suis censé éloigner le bateau mais sans doute je m’emmêle un peu les pinceaux entre les indications « atras! » et « a frente ! ».

Bref, le poisson se libère et on est épuisé. Pour dire la vérité (si, si, si, je ne dis que la vérité !), après trois jours de traîne, on aura deux départs sans rien attraper. « Pour le Marlin, il faut de la patience et de la persévérance » répétera à plusieurs reprises Zé. Je veux bien le croire. Heureusement des camarades sur un autre bateau ont plus de chance, donc j'ai quand même droit à une belle photo souvenir.

Et puis à défaut de gâteau, j’ai eu la cerise. Dernier jour de mer, dernières heures et tant pis pour le marlin, je décide de faire une plongée sur « o arco », une immense arche sous marine sous laquelle pourrait aisément se glisser un camion. Il y a deux sites du même nom sur le GPS et Zé ne se souvient plus quel est le bon. J’en choisis un au hasard.

Marlin3

Pour les mécréants qui refuseraient de croire

qu’il faut un tracteur pour sortir le poisson à Maputo

Bien m'en a pris, car à peine arrivé à 15 mètre, j'aperçois un requin. Je fais le signe à mon binôme, qui me répond toujours par signe qu'il a mal aux oreilles. Tant pis pour lui, je continue seul, hors de question de perdre une telle plongée ! Agrippé au moulinet, je me place juste au bord d'un tombant qui va de 20 à 40 mètre. Et là, sans bouger, je vois un mérou patate de 50 kg, une tortue de même poids, deux barracudas impressionnants et surtout six requins qui entrent et ressortent d'une caverne juste au dessous de moi !

D'après la marque noire sur la queue et blanche sur la nageoire dorsale et la localisation, mon bouquin me dit que ce pourrait être des « grey reef sharks » ou « Carcharhinus amblyrhynchos ». Requin gris de récif ou requin dagsit en français. Allez savoir.

Quand au Marlin, c'est promis : cet été je m'entraine à la girelle à Marseille et je reviens l'année prochaine