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29 Avril 2024

Enfin les vacances de Noël, je prépare mes valises et mon équipement de plongée pour dix jours de Mozambique avec mon ami Zé Pescador. Cette année, nous resterons à Maputo. La mer est bonne à cette saison et si les sites de pêches et de plongées sont très loin, plusieurs heures de mer, c'est aussi ce qui les préservent. Car il faut pouvoir encaisser les levées à 5h du matin, les vagues, le vent, la pluie parfois et surtout le soleil pendant 12 heures d'affilé. Et ceci pendant plusieurs jours de suite. Mais les sorties en mer avec Zé, cela ne se refuse jamais, car l'extraordinaire peut arriver à tout instant ! Je vous entends déjà bougonner : c'est son côté marseillais qui refait surface. Peut-être, mais prenez soin de reprendre votre souffle, on ne sait jamais.

Leçon numéro 1 : comment attraper trois marlins en une seule journée ?

Le plus dur est sans doute de se coucher tôt, 22h30 au plus tard, et surtout de ne pas trop abuser de boisson alcoolisée afin de se lever en plein forme à 5h00 du matin. Si j’ai réussi l’épreuve plusieurs jours de suite, je ne suis pas certain que tout le monde serait bon élève du côté de Callelongue … Petit café, crème sur le bout du nez, sandwich ou rissois de crevette et beaucoup d’eau, oui, oui de l’eau dans la glacière … nous voilà sur le quai de escola nautica. Nous irons pour une fois dans le bateau de Richard, grand luxe et beaucoup de place : il en faut pour la pêche aux marlins (au pluriel dans le texte). Les anciens sont de retour : avec moi, il y a Hervé, glorieux pêcheur des années 1990 mais sans aucun marlin à notre palmarès.

Nous disposons d’une dizaine de cannes avec des moulinets de toute taille, des mallettes et des mallettes de rapalas, leurres, pieuvres en plastiques, teasers en forme d’avion, de poisson, de sous-marin et ceci dans toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Et nous avons également tout un arsenal de Gopro pour filmer nos exploits sous tous les angles. Nous voilà à fonds les manettes contournant la punta Vermelha, passant l’île de Xefina avec ses canons et ses bunkers maintenant à moitié immergés, rasant les bouées du canal et les navires à l’ancre, direction le paradis des marlins !

Après trois heures de mer, nous voilà sur zone. On ralentit enfin et on met toute la canne à l’eau. Pas longtemps à attendre avant la première touche. La bataille commence : d’un côté Hervé, barbe et cheveux poivre et sel, de l’autre côté un bestiau bondissant à droite, puis à gauche d’abord à 300 mètres puis de plus en plus près. La lutte dure, dure, Hervé transpire à grosse goutte et se débat dans le harnais pendant une bonne demi-heure avant de ramener le marlin le long du bateau. Il était temps, Hervé au bord de la syncope avale un soda pour contrer l’hypoglycémie qui s’annonçait.

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Number 1, le plus petit …

Pendant ce temps, Zé se saisitdu poisson par le rostre à deux mains et là c’est un nouveau rodéo car le marlin n’aime pas cela du tout, mais alors pas du tout. Je me glisse dans l’eau prudemment pour prendre quelques images sous-marines de l’animal. Heureusement qu’il est bien tenu en main. Je n’ai guère confiance avec son œil vif, sa bouche grande ouverte et surtout son rostre, le poisson est largement plus grand que moi et pèse au moins deux fois mon poids.

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Number 2, rodéo marin

Deux marlins noirs plus un marlin bleu, de près de 200 kg selon les experts et que je suis en apnée lorsqu’il s’enfonce dans le bleu après avoir été relâché et débarrassé de son hameçon, je prends confiance et je profite du spectacle. Avec trois marlins dans la journée, c’est un cours accéléré et nous égalons le record de Maputo ! On a une touche et on est près de le battre, mais le quatrième s’échappe …

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Number 3, reprenant son envol

 

Leçon numéro 2 : comment maitriser sa respiration au milieu de douze mérous géant ?

J’en rêvais depuis l’année dernière : retourner sur le site où j’avais vu six « grey reef sharks » ou « Carcharhinus amblyrhynchos » (Requin gris de récif ou requin dagsit en français si je ne me trompe pas). Voilà enfin venu le temps de plonger, non plus tout seul cette fois mais avec Zé et Nocaz, son épouse, comme capitaine en surface.

Je fonce à toute palme vers le fonds en déroulant le moulinet relié à notre bouée de surface, pour ne pas manquer le site. C’est bien là, je le reconnais et voit tout de suite un requin gris, qui s’approche dans un premier temps mais vite prends peur et se sauve. La visibilité est bonne, mais le courant est infernal. Je progresse en m’agrippant au fond, une tortue verte fait d’ailleurs de même à mes côté. C’est curieux de la voir avancer à quatre pattes plutôt que de nager. Arrivé sur le bord de la falaise, nous descendons de quelques mètres pour nous abriter du courant.

Un énorme mérou patate nous observe (60 kg, blanc avec grosse tâche noire, patato bass). J’aperçois trois Wahoo dans le bleu et je m’éloigne pour essayer de mieux voir. C’est alors que Zé se met à crier sous l’eau, je me retourne et à ses côté : un mérou géant !

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Il s’agit d’un Brindle Bass. Le plus gros des mérous sur notre planète : celui de l’aquarium de Durban fait 250 kg. Il faudrait au moins être deux (avec de grands bras) pour pouvoir l’enlacer au niveau du ventre. Les yeux sont comme des boules de pétanque, trompette ! Et les lèvres sont aussi grosses que deux baguettes de pain mises bout à bout. S’il ouvrait la bouche, je crois que je pourrais y mettre la tête et les épaules sans problème.

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Et puis un second et un troisième tourne la pointe et se rapproche de nous, ils sont cinq puis onze ! Je me rapproche de Zé pour faire bloc quand un douzième nous surprend par derrière. Il me semble, mais je n’en suis pas sûre que je respire un peu plus vite que d’habitude. C’est adrénaline et euphorie en même temps.

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Zé me dira n’avoir jamais vu cela en cinquante ans à arpenter la baie de Maputo. Je veux bien le croire et si nous n’avons pas eu le record de marlins pêchés en une journée, je suis prêt à parier que nous avons le record de « brindle bass » dans la même plongée.

J’y retourne le lendemain avec Nocaz cette fois (en mauvais élève, il me faut redoubler …). Ils sont toujours là même si cette fois on en compte six seulement. Pourquoi un tel rassemblement ? Il semble que les mérous se rassemblent une fois par an pour se reproduire : quelle chance nous avons eu de les surprendre !

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Leçon numéro 3 : comment attraper un requin par les couilles ?

J’entends d’ici Neptune vociférez « Enfermez le donc à l’asile, il a trop bu d’apéros à Callelongue pendant sept ans. Vouloir nous faire croire des âneries pareilles, à nous des marseillais de la calanque du bout du monde ! Son petit cerveau n’a pas tenu, c’est le délirium tremens qui a pris le dessus ! ». Mais non Jean Claude, tout est vrai. J’ai même des photos. Heureusement, car des fois je n’y crois plus moi-même à mes histoires.

Dernier journée de mer aujourd’hui, demain c’est l’avion. Cette fois, Lluisete nous accompagne à la pêche. Il vient avec son ami Jésus (sic, je n’invente rien), prêt au miracle comme il se doit. La mer est lisse et le bateau vole de vague en vague vers le spot des thons. Car notre Jésus est plus fan de Sushi et de tartare de thon que d’hosties semble-t-il.

Nous poursuivons les groupes de mouettes qui pêchent : elles annoncent les bancs car elles se nourrissent des petits poissons poussés vers la surface les thons affamés. En l’occurrence, notre première prise est une magnifique dorade coryphène mâle, d’un vert-jaune électrique fascinant.

La journée se poursuit et le puisard se remplit de bonites, de thons jaunes, d’un kakap pris sous un banc de plancton orange. La journée est bien avancée quand nous apercevons une nuée de mouettes à l’horizon. Nos quatre cannes sont en place et nous fonçons dans le tas. Toutes les cannes partent en même temps, c’est la confusion à bord. Chacun ramène son poisson. Enfin tous sauf Jésus qui continue de batailler au milieu du chaos.

La lutte se poursuit, Zé lui prend la canne car ce doit être un gros et il ne faudrait pas perdre encore un rapala … La canne dans une main, Zé suit le poisson à petite vitesse tout en rembobinant un maximum de fil. C’est un résistant car cela dure, dure ... Petit à petit, l’angle de ligne diminue : le poisson remonte, quand tout à coup il bondit hors de l’eau à quelques mètres du bateau. Pas le temps de bien voir, je vois un ventre blanc et imagine un thon « dente de caõ ».

La bête semble se fatiguer. Je prends mon masque, la Gopro et mets la t^te sous l’eau : c’est un requin ! Un requin gris, on dirait. Les requins sont très coriaces et celui fait quand même c’est 100 kg, mais Zé n’y crois pas. Un requin ne saute jamais hors de l’eau or celui-là vient de faire un bon de plus d’un mètre au-dessus de la surface.Mais je suis formelle : c’est un requin ! Et en regardant de plus près, l’hameçon du rapala ne s’est pas pris dans sa gueule, mais sur son pénis. Aïe, aïe, aïe. Même si on en a deux comme les requins, cela doit faire sacrément mal, sûrement au point de sauter hors de l’eau ! La ligne finit par casser.

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Eh oui, par les C…

Quelle fin pour des vacances extraordinaire ! Nous rigolons à l’idée que personne ne nous croira quand on racontera à l’apéro que nous avons attrapé un requin par les couilles. Mais c’est vrai. Et si vous ne nous croyez pas, aller donc enquêter : le pauvre se ballade sûrement toujours avec son rapala quelques part dans la baie de Maputo. Mais faites gaffe : Maître Zé Pescador me confie qu’il ne doit pas être très content et qu’il ne faudrait pas trop l’énerver ...

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