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Catastrophe !

J’étais persuadé pourtant que tout s’annonçait pour le mieux ce samedi à 6h45. Temps magnifique, mer lisse comme un miroir. La température de l’eau en ce début septembre était bien remontée, elle était au plus haut. La nuit au vieux port sur le voilier avait été plutôt calme, du moins j’avais très bien dormi.  Mais cinq minutes ne s’était pas écoulés, le café n’avait même pas eu le temps de grimper à l’étage supérieur de la cafetière italienne que Jean Claude m’appelait comme convenu pour me signaler qu’il partait de chez lui :

« Je n’ai pas dormi de la nuit ! »

Catastrophe donc, Jean Claude l’âme du club, le dernier survivant des âges du détendeur mistral, de la bouée fenzy et des tirettes pour passer la réserve, avait mal dormi ! Impossible d’en savoir plus, il avait déjà raccroché. Je mettais donc le minuteur en route. Vingt minutes pour avaler un café, deux tartines, préparer le sac et le pique-nique, passer par les toilettes et courir comme un dératé jusqu’à l’entrée du palais du Pharo. Il allait falloir s’activer sérieusement, alors tant pis pour les toilettes …

J’étais à peine arrivé que Jean Claude m’appelait une seconde fois au téléphone :

« Tu es où ? J’ai mal dormi ! »

J’étais pourtant juste cinquante mètres devant lui, tout essoufflé et, pour rester poli, l’estomac lourd et noué. Mais il ne m’avait pas vu. C’était donc vrai, il n’avait pas l’air d’avoir les yeux en face des trous. Je grimpais dans la voiture.

« Tu sais, je n’ai pas dormi de la nuit ! »

Mon ami Jean Claude plein de bienveillance, qui venait une fois de plus me chercher pour m’amener plonger au club le samedi, était si perturbé qu’il en avait perdu le sommeil. La tripe remplie, les tartines englouties de travers et la glotte brûlée par le café, je commençais moi aussi à me demander si j’avais bien dormi … J’essayais de le conforter en lui disant que j’aurais bien aimé arrivé à son grand âge avant de connaitre les affres des insomnies. Mais rien à faire. Il avait mal dormi comme il le répétait à tout les plongeurs qui arrivaient.

Heureusement, cela ne dura pas bien longtemps. Laurence déboula débordante d’énergie pour prendre les choses en main, distribuer les tâches à chacun et commencer à charrier le matériel du bateau des deux mains, comme si elle était une armoire à glace de deux mètres de haut.

Je retrouvais aussi plein de vieilles têtes, ainsi que des nouvelles têtes parisiennes fort sympathiques fraichement débarquées de la capitale. Dont une à qui Jean Claude racontait la blague de l’indien … rassurez-vous, je ne vais pas la raconter car je sais que vous la connaissez par cœur. Mais si ce n’est pas le cas, signalez-vous à Jean Claude, il se fera un plaisir de vous la raconter…  Devant ces grands gestes et ces éclats de voix, j’étais enfin rassuré ! Jean Claude avait oublié sa nuit et j’avais trouvé la clé des toilettes. Ouf. Tout semblait renter dans l’ordre.

De plus Luc nous avait trouvé une occupation ludique pour animer la journée : nous allions compter les mérous ! Il entama une généreuse distribution de T-shirt tout en répartissant consignes, ardoises et crayons à chacun. Puis, ce fut le grand moment de la photo de groupe. Il y avait une atmosphère de rentrée des classes comme il se doit en ce début de septembre. Je songeais que pour un peu on se serait cru à la Pastorale, comme disent les Marseillais. Luc et Laurence faisaient de leur mieux pour organiser les groupes.

« Le premier à la profondeur de cinq mètres, le second à 10 mètres, puis 15 mètres puis 20 mètres. Vous restez sur votre ligne de profondeur et vous notez le nombre et le temps depuis l’immersion, et la taille bien entendue. Nous avons le secteur de l’Impérial de terre à Caramassaigne. »

« Et si nous ne sommes que trois dans la palanquée ? »

Pauvres Luc et Laurence, je sentais que leur patience serait mise à rude épreuve encore une fois devant le manque de discipline de cette classe turbulente, plus motivée par la plongée que par le calcul … Plusieurs fanfarons se signalaient déjà :

« Moi, j’ai pas besoin d’ardoise, j’ai une mémoire d’éléphant ! »

« Mon crayon n’est pas taillé, j’ai cassé la mine. »

Enfin comme toujours, tout finit par se résoudre et la joyeuse troupe des morses entama son laborieux périples vers le point de départ, tout sourire pour cette sortie dans l’archipel de Riou. Je retrouvais avec un bonheur certain ces magnifiques paysages calcaires, cette eau transparente et même un courant portant à l’approche de la pointe Est de Riou. Et les mérous de méditerranée.

Laurence avait prévenu :

« Dans ma palanquée, je ne prends que des plongeurs qui aiment palmer et ne respirent pas. Pour une fois que l’on fait une dérivante. »

Le programme me convenait. J’adore les plongées où l’on nage, l’exercice, le courant qui vous emporte, palmer pour parcourir du chemin, explorer … Je devinais que Laurence ne s’arrêterait pas avant le Petit Congloué. Mais j’avoue que pour moi la reprise était rude. Ce n’est ni du fait des taquineries sur mon masque constellé d’algues encroutées ou d’un mauvais plombage lié à un équipement nouveau. Mon masque marche parfaitement sans faire de buée et une simple pierre suffit à résoudre le problème de flottabilité. Non, quand mes camarades comptaient avec soin sur leur ardoise, je gardais l’œil dans le bleu comme le mauvais élève du fond de la classe à la recherche de …

J’ai même eu un shot d’adrénaline quand mon binôme mis sa main en crête sur la tête. Un requin ! A Callelongue, serait-ce Dieu possible ? Je n’en ai jamais vu en quarante ans de plongées en méditerranée. J’appris à la sortie que c’était un nouveau signe apparu ces dernières années désignant les Corbs …

Heureusement l’heure de l’apéritif était arrivée. Quelques pièces dans la tirelire pour le Pastis et je me remis dans l’ambiance qui s’échauffait comme d’habitude dans la petite cuisine. La leçon d’arithmétique appliquée aux Mérous reprenait sous la direction consciencieuse de Luc. Un grand coup de chapeau car ce n’était pas facile entre les rondelles de tomates variées de son jardin, les anchois marinés au citron et le niveau de la bouteille de Pastis qui descendait régulièrement. Le volume sonore atteignit son paroxysme dans des surenchères toutes marseillaises, et pas que dans l’accent :

« J’ai compté six mérous entre vingt centimètres et cinquante. »

« Ah ben moi, j’en ai vu huit, dont un tout blanc. Je ne sais pas si c’était un mérou. »

« Tu sais, il change de couleur à la reproduction. Le blanc, il a dû flasher sur toi ! »

« Le plus gros que j’ai vu il faisait bien un mètre cinquante !! »

 « Vous avez oublié de regarder dans les trous, moi j’en ai compté quinze ! »

« Oh, toi tu comptais les castagnoles, pas les mérous ! »

Au grand soulagement de Luc, la bouteille finit par se vider. Cela lui permis péniblement de ramasser les ardoises de chacun et d’établir dans la sueur un comptage à remettre au Parc des Calanques. Chercher à appliquer une rigueur toute scientifique à Callelongue chez les Morses, c’est une sacrée ambition. Il y avait sûrement des bons élèves (qu’ils me pardonnent), et je n’ai sans doute entendu que les cancres. Mais rassure toi Luc, nous sommes prêts à faire tout ce que tu nous demanderas. Même à voir « en une seule plongée quarante mérous gros comme des Baleines » !.

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Jean Claude Eugène

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Avec Eric Porche photographe de la Comission Audio Visuelle, nous étions à L'Y.C.P.R  les reporters sur terre et sous l'eau de la manifestation.

Un jouraliste de la Provence nous a pris en photo au moment de partir sur le Frioul.

Voici quelques images prises ce jour là.

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Martine Malègue